Ce site n’aurait pas été complet sans le témoignage d’un ''ancien'' ayant non seulement vu jouer les 2 plus ''grands'', DARUI et VIGNAL, mais étant aussi lui-même ancien gardien de but, de préférence de haut niveau pour la qualité de son jugement, et de préférence suivant toujours l’actualité du football et de ses gardiens !!!

Cette personne ''rare'' je l’ai rencontrée grâce à ce site. Monsieur Jean-Pierre BOURGEOIS a été en effet un des premiers à me remercier pour m’être soucié du ''devoir de mémoire'' vis-à-vis de cette époque et de tous ses anciens.

Il était donc logique que lui aussi puisse s’exprimer au travers de ce site.

 

 

« Goal » des années 40/60 ou « gardien de but » au XXIème siècle :

Quelles différences ?

 

 

Oui, et c’est mathématique : un demi siècle sépare ces 2 époques et comme dans tous les autres domaines, l’évolution a fait son chemin inexorablement. Tout a changé. Pour ceux que les moins de 50 ans n’ont pas connus, il est normal d’aimer le foot tel qu’on le pratique aujourd’hui, et surtout de croire que tout ce qui s’est fait auparavant ne valait rien.

 

Mais voilà, et fort heureusement, nous sommes encore quelques-uns, de vénérables vieillards j’en conviens, à avoir pataugé sur des pelouses en plus ou moins bonne qualité, à avoir défendu cet espace de 7m32 sur 2m44, et donc par là-même pouvoir faire découvrir aux « mordus » d’aujourd’hui ce que nous réalisions en match, mais aussi pouvoir en même temps juger « avant-hier » en comparaison avec « aujourd’hui ».

 

Pour avoir pratiqué au poste de « goal keeper» (gardien de but en français) durant plusieurs décennies, avoir participé à 575 matches, certains à un niveau plus qu’intéressant, avoir côtoyé soit comme équipiers, soit comme adversaires des grands noms de l’époque, je m’en tiendrai strictement à cette spécificité.

 

 

 

Les goals en 1950, c’était qui, c’était quoi ?

 

 

 

En majorité, c’était des athlètes d’un gabarit qui paraîtrait ridicule aujourd’hui. Et pourtant, les plus «  grands » de l’époque, ayant tous réalisé une carrière internationale, et bien c’était Julien Darui (1m68), René Vignal (1m76), François Remetter (1m71), Dominique Colonna (1m71). Seulement voilà, tous bénéficiaient des mêmes caractéristiques : des quadriceps de feu, d’où une explosivité qui leur permettait des détentes aussi bien verticales qu’horizontales hors du commun, des réflexes plus rapides que l’éclair, une vitesse de déplacement digne d’un sprinter sur 100 mètres sortant de ses starting-block. Bref la taille n’avait qu’une importance secondaire, rarissimes étaient ceux dépassant les 1m80.

 

  

En majorité, c’était des athlètes qui travaillaient inlassablement les techniques prioritaires à cette époque : qu’est-ce que les entraîneurs, qu’est-ce que les spectateurs qu’est-ce que leurs équipiers attendaient d’eux ? Et bien c’était tout simplement d’arrêter, de stopper le ballon qui devait obligatoirement rester collé entre les 2 mains, les doigts bien écartés, les pouces servant de butoirs à l’arrière. On appelait ça tout simplement « la prise de balle ». Je me souviens d’ailleurs de ce que me disait un de mes entraîneurs à ce sujet : «  en maîtrisant ainsi un tir adverse, tu es certain que l’action est définitivement terminée ».

 

 

Mais si le tir était trop puissant, s’il était décoché de trop près ? Alors là, c’était la technique du « dégagement du poing» qu’il fallait bien maîtriser pour ne pas donner une nouvelle occasion à l’adversaire. Ah ! J’allais oublier : tout ceci, prise de balle comme dégagement au poing se réalisait mains nues en terrain sec ou avec une toute simple paire de gants en laine par terrain gras…

 

 

En majorité, c’était des athlètes qui participaient de façon très active au jeu : dans le domaine défensif, il n’était pas question de rester collé sur sa ligne de but mais de s’imposer sur les balles hautes que ce soit sur corner ou sur coup de pied arrêté.

 

En majorité, c’était des athlètes en mouvement perpétuel, bondissant au-devant de l’attaquant qui venait de passer son défenseur, mais pas n’importe comment : la moindre hésitation était fatale, aucun temps d’arrêt n’était permis, il était indispensable de plonger les bras tenus vers l’avant, les mains et les doigts en position « prise de balle » (voir ci-dessus). Seulement, afin d’avoir le maximum de chance de sortir vainqueur de ce duel, il ne fallait pas quitter une seconde le ballon des yeux et surtout accepter et même souvent provoquer la collision avec le tireur adverse, avec tous les risques dont il sera question plus loin. En voici une preuve :

 

 

En majorité, c’était des athlètes qui avaient à faire face à chaque match, à un minimum de 20 tirs cadrés, à intervenir plusieurs dizaines de fois au milieu d’actions plus ou moins brûlantes dans leur surface de réparation. Certes, ils « prenaient » souvent une moyenne de 3 ou 4 buts en 90 minutes, mais si l’on fait le compte, d’une part, le pourcentage de parades était de loin bénéficiaire et le spectateur s’était enthousiasmé devant le spectacle que les gardiens de but leur avaient offert.

 

 

Les goals qu’il ne faudra jamais oublier :

 

 

Julien DARUI :(1916 – 1987)

 

 

Le précurseur parmi les précurseurs : dès 1937 il joue une finale de Coupe de France avec son équipe amateurs de Charleville. Il intègre le football professionnel dès l’année suivante pour très vite s’illustrer dans les clubs de Lille, le Red Star, Le C.O. Roubaix-Tourcoing dont il deviendra le joueur-entraîneur, puis Montpellier. De 1938 à 1951 il gardera à 25 reprises les buts de l’Equipe de France. Il sera le tout premier à lancer l’idée que le gardien de but doit être à la fois le dernier défenseur et le premier attaquant en mettant au point son célèbre dégagement en drop (ou demi-volée) qui atterrissait invariablement dans les pieds d’un de ses partenaires. Il sera le tout premier à mettre en pratique le rôle primordial du gardien de but dans sa surface de réparation, il sera la premier à « diriger » de main de maître toute sa défense, devenant le vrai patron, celui qui, faisant face au jeu, voit tout.

 

 

René VIGNAL : (1926)

 

 

De 10 ans le cadet de Julien Darui, il entrera dès l’âge de 15 ans à l’A.S. Béziers le club de sa ville natale pour prendre tout à fait par hasard le poste de gardien de but suite à la défection inattendue du titulaire. Ses qualités exceptionnelles, je dirais même extraordinaires le mène dès 18 ans au F.C. Toulouse où il connaîtra rapidement la 1ère division professionnelle avant d’intégrer, dès 1947  le Racing Club de Paris avec lequel il remportera la Coupe de France en 49 et sera finaliste en 50. L’équipe de France l’accueille à grands bras dès avril 1949 jusqu’en 1954 avec 17 sélections à la clé. Vous allez me dire : une carrière aussi brève ne mérite pas autant d’attention…. Et pourtant, quel gâchis !

En effet, le style de ce garçon aussi impétueux que « casse-cou » va lui valoir une multitude de blessures, certaines assez graves pour provoquer de nombreuses interruptions d’activités jusqu’à ce jour de 1954 où un bras complètement « démantibulé » en fait un retraité avant l’heure alors qu’il s’apprêtait à participer à la Coupe du Monde en Suisse 2 mois plus tard !

Durant cette trop courte carrière, René Vignal qui a toujours éprouvé pour Julien Darui une admiration sans borne, n’a cessé de perfectionner les nouveautés mises en place par son illustre prédécesseur.

Doté de dons naturels en tous points exceptionnels , ajoutés à des possibilités physiques bien au-dessus de la moyenne, à chacune de ses prestations, à chacun de ses faits et gestes, tous les spectateurs pouvaient admirer un être bâti pour la plus grande destinée sportive : une musculature impressionnante au niveau des cuisses mais harmonieuse partout ailleurs lui permettant de développer une puissance de « voltigeur » sans jamais donner la moindre impression de lourdeur. C’est là toute la différence avec ses confrères d’aujourd’hui.

Bénéficiant de tels moyens quasiment irréels qu’il a toujours cherché à améliorer par un travail de titan aux entraînements, il a pu ainsi poursuivre et perfectionner les innovations issues de son prédécesseur dans les buts de l’Equipe de France. C’est lui, René Vignal qui a été le premier à synchroniser l’arrêt à réaliser avec le dégagement vers l’équipier le mieux placé pour lancer la contre-attaque dangereuse. Avant que le ballon ne soit dans ses mains, il savait déjà où il devait relancer. C’est lui, René Vignal qui a été l’instigateur de la fameuse « manchette », le geste qu’il avait mis au point (après l’avoir découvert chez le célèbre gardien espagnol de l’avant guerre Zamora) quand l’arrêt ou le dégagement au poing s’avérait irréalisable. C’est lui, René Vignal qui a donné encore plus d’importance à l’autorité du gardien de but sur l’ensemble de sa défense. C’est lui, René Vignal qui a été le symbole du « battant » pris dans le meilleur sens du terme, qui n’hésitait pas à fustiger les éléments de son équipe qui donnaient des signes de découragement ou de lassitude, allant même jusqu’à prendre la place d’un attaquant et faire la démonstration qu’il pouvait être excellent partout sur la pelouse.

Que dire enfin du courage, de l’abnégation dont il a toujours fait preuve devant l’adversité. Certes, son style de jeu, la hargne des attaquants adverses l’exposaient immanquablement au danger et donc chocs : jamais une réaction de rébellion, jamais même une simple plainte, le temps de reprendre ses esprits et il retournait illico « au charbon » !

 

La grande histoire du football n’a pas le droit d’oublier que sans ces 2 monstres (pris dans le sens le plus noble du terme), le poste de gardien de but de serait pas ce qu’il est devenu pendant les décennies qui ont suivi.

 

 

Les autres grands noms de cette époque :

 

Durant toutes ces années, la France a pu se vanter d’avoir dans son championnat les meilleurs gardiens qui ont fait le bonheur de nos clubs professionnels, sans compter ceux qui pour une raison ou une autre n’ont pu concrétiser leurs rêves, souvent pour cause de blessures. En parlant justement de blessures, comment ne pas prendre comme exemple le cas de René Vignal : 19 fractures, sans compter les gnons et autres bobos. La façon de jouer, la volonté que nous mettions tous à réaliser les parades les plus invraisemblables coûtaient alors très très cher. En fin de carrière, nous pouvions faire un bien triste inventaire de nos avatars : hématomes impossible à dénombrer, yeux « au beurre noir », dents cassées, mâchoires fracturées, nez en sang, foulures ou fractures des doigts, des poignets, des bras, clavicules en marmelade, mais pire encore ménisques écrasés, ligaments en déconfitures, reins plus ou moins gravement endommagés et même graves commotions cérébrales.

Combien de gardiens de buts de ces années ont fini par prendre « un abonnement à la clinique ou à l’hôpital du coin » !!!... Ca a été le prix à payer pour offrir aux fanas de foot qui garnissaient les tribunes et les gradins des stades les dimanches après-midi, un spectacle qu’ils n’auraient pour rien au monde, voulu rater.

Et bien, les grands noms que j’annonçais en titre de ce paragraphe, je les ai parfois retrouvé en tant qu’adversaires en match, ou je les ai suivi de près. En voici quelques-uns, mais que ceux que j’oublie me pardonnent, à 80 ans ma mémoire peut commencer à flancher :

Oui, vous avez été de grands gardiens Messieurs Paul Sinibaldi, Abdéramane Ibrir, Marcel Domingo, Félix Wittoski, César Ruminski, Christian Villenave, Pierre Bernard, Libérati, Angel, Altavelle, Amy et bien d’autres encore. Hélas, trois fois hélas, la majorité n’est plus de ce monde mais il ne faut en aucun cas les oublier.

Oui, tous ces grands « goals », français ou étrangers comme l’espagnol Ramaletts, l’autrichien Zeeman, l’italien Moro, tous sans exception ont été pour beaucoup dans le véritable culte que la foule vouait à ces héros. Même sur terrain adverse, on applaudissait à tout rompre le gardien de l’équipe visiteuse qui quittait le terrain après un match au cours duquel il avait réalisé des prouesses. Partout, que ce soit à Marseille, à Paris, à Lille, à Bordeaux, à Lyon, à Sochaux, à Lens, à Rennes, à Strasbourg, à Roubaix, à Metz, à Nancy, partout on avait les yeux de Chimène pour ces garçons en pull de laine, une casquette souvent vissée sur la tête qui redoublaient de virtuosité, et constituait un élément essentiel du spectacle tellement le jeu de l’époque en faisait l’acteur le plus souvent sollicité au cours de la partie.

 

 

 

Une belle illustration du « face à face » gardien-attaquant adverse tel qu’il se pratiquait en 1952 à l’issue duquel le « goal » sortait vainqueur. Comme efficacité, on ne peut faire mieux !

 

 

En 1952, ce gardien (en l’occurrence un Italien) n’hésitait pas à s’imposer sur corner, que ce soit par une prise de balle impeccable (à gauche) ou par un dégagement du poing (à droite)

 

 

Ce genre d’arrêt, datant des années 50 ne se voit plus aujourd’hui et pourtant, adopter cette technique, c’était l’assurance que le ballon ne bougerait plus de sa « niche ».

 

 

Un gardien de but au XXIème siècle, c’est qui, c’est quoi ?

 

 

Allez, une détente prodigieuse dans l’espace-temps et nous voilà sans transition en 2013. Durant ces 60 ans, j’ai suivi l’évolution du football avec l’arrivée et le développement des techniques nouvelles, tant dans l’audio-visuel que dans les commentaires journalistiques et autres nouveaux reporters. Et bien, aujourd’hui, quels sont ces « gardiens de but » qui ont remplacé peu à peu nos « goals » d’antan ? Le mieux m’a semblé de reprendre point par point, chaque chapitre développé sur nos « vétérans ».

 

Aujourd’hui, on ne peut plus dire «  la majorité des gardiens » tout simplement parce qu’ils sont tous, je dis bien TOUS clonés les uns par rapport aux autres. Si vous mesurez moins d’1m85, si vous ne vous êtes pas astreints à des séances de musculations qui vous font ressembler à un déménageur ou un haltérophile, vous n’avez AUCUNE CHANCE de faire carrière, même à un niveau relativement faible.

Pour en arriver à une telle extrémité, il ne faut pas hésiter à en chercher les causes à la base même, et j’en ai été moi-même le témoin quand ce gamin ivre de joie de pouvoir s’inscrire dans une école de foot labellisée « nationale », choisit le poste de gardien pour évoluer comme il peut, encadré par un éducateur bénévole et prendre peu à peu conscience des progrès qu’il réalise dans des buts réduits à sa taille. Seulement voilà, quand arrive le moment de passer dans la catégorie des moins de 13 ans, alors que sa croissance est loin d’être achevée, l’éducateur chargé de cette tranche d’âge, pourtant titulaire d’un diplôme délivré par les instances fédérales, lui annonce sans le moindre ménagement que, mesurant 1 ou 2 centimètres de moins que ses collègues, il se trouve rejeté comme un malpropre de l’effectif. Résultat : un gamin complètement écoeuré, dégouté du foot à tout jamais.

C’est très grave. Je sais, cet éducateur ne fait qu’appliquer les consignes qui viennent de plus haut, mais réfléchissons un peu : à 12 ans, un enfant n’a pas terminé sa croissance, chaque individu ayant sa spécificité. Quatre ou cinq ans plus tard, les données peuvent avoir complètement changé, et le plus petit des 3 aspirants « gardiens », donc celui qu’on a « viré » peut très bien se retrouver le plus grand. Trop tard, le mal a été fait, entre-temps notre petite victime a choisi un autre sport (dans le meilleur des cas) ou s’est plongé dans le désoeuvrement avec toutes les conséquences néfastes qui vont avec (dans le pire des cas)…

Ainsi donc, seuls ceux que la nature a fait précoces, en montant de catégories d’âge en catégories d’âge vont entrer dans la confrérie des gardiens du XXIème siècle façonnés dans le même et unique moule. Un tel inventaire laisse rêveur, les constatations plus encore :

 

De périodes en périodes, la taille requise pour signer un contrat professionnel augmente inexorablement : 1,80m dans les années 80 – 1,85m dans les années 90 – 1,95m dans les années 2000 et nous nous dirigeons tout droit vers le 2m !!

Le poids se doit de suivre la même courbe ascendante même s’il faut user et abuser de séances de musculations, sans s’inquiéter le moins du monde des perturbations que de telles pratiques peuvent provoquer sur la qualité et les caractéristiques des fibres musculaires !

 

Conclusion : nos gardiens d’aujourd’hui sont des « armoires à glaces » «  en chêne massif », mais les hauts techniciens à la tête de la Fédération Française devraient se poser certaines questions adjacentes à de tels choix de recrutement, soit par exemple :

 

Qu’en est-il du rapport « gabarit-détente verticale ou horizontale » ?

Qu’en est-il du rapport « gabarit- explosivité » ?

Qu’en est-il du rapport « gabarit- vitesse de déplacement et démarrage » ?

Qu’en est-il enfin du rapport « gabarit- qualité des réflexes et souplesse « ?

 

Ne voulant en aucun cas faire preuve de mauvaise foi, je laisse à chacun le soin d’en juger. Par contre, je m’interdis de passer sous silence mes propres conclusions :

 

En 2013, le gardien de but (je ne vise personne en particulier, juste le poste par lui-même, quelque soit l’individu qui l’occupe actuellement), a perdu toute autorité dans sa surface de réparation parce qu’il a perdu en mobilité, en rapidité d’intervention et peut-être même en détente verticale ou horizontale. J’en apporte la preuve avec ces 2 clichés :

 

 

Sur corner en 1952 : le gardien reste maître de la situation.

 

 

Toujours sur corner, en 2013, le gardien a perdu toute suprématie.

 

 

Venons-en maintenant à la technique individuelle de nos derniers remparts des temps modernes : qu’est devenue aujourd’hui la notion de prise de balle, je dirais plutôt qu’en est-il de la maitrise dont ils font preuve dans ce domaine ? Je sais et là, je vais apporter de l’eau au moulin de nos keepers actuels avec la nature des ballons utilisés comparativement aux bons vieux « cuirs » d’antan. Oui, ça flotte beaucoup, oui, c’est trop léger, mais quand même ……..

L’évidence est là, elle crève les yeux : pourquoi se munir de gants qui ressemblent plutôt à des battoirs, si c’est pour ne plus utiliser ses mains que pour jouer au handball ou au volley en réalisant de simples poussettes ou des claquettes. L’expression « bloquer le ballon » a quasiment disparu du vocabulaire des techniciens du football actuel. Repousser un tir souvent bien anodin de quelques mètres, n’est-ce pas risquer de le redonner à un attaquant qui n’a plus qu’à finir le travail. Utiliser une claquette pour mettre en corner un tir lointain et d’intensité moyenne, n’est-ce pas donner une seconde chance à l’adversaire ? Pour ces 2 actions qui se répètent à foison au cours des rencontres, le bon vieil arrêt des années 50 n’aurait-il pas été la meilleure solution ? Seulement voilà, la technique de «  prise de balle » ne semble plus tenir une très grande place dans la préparation moderne et c’est pourquoi on entend de plus en plus fréquemment qu’un but a été encaissé à la suite « d’une faute de main » du gardien !

 

Venons-en maintenant aux fameux « tête à tête », ces « face à face » entre gardien et attaquant quand ils se retrouvent dans l’obligation d’en découdre. Rappelez-vous comment ça se passait autrefois, illustré par 2 photos caractéristiques au fil des pages précédentes. Pourquoi ne pas en rajouter une autre :

 

 

Nous sommes en 1953 : le gardien s’est précipité face à l’attaquant, les mains en avant, doigts écartés en position « prise de balle », les yeux rivés sur le ballon et le pied de frappe de l’attaquant : il va gagner son duel.

 

 

 

Et aujourd’hui, quelle technique fait-on appliquer aux gardiens ? Les 2 clichés ci-dessous, extraits d’une séance d’initiation donnent ceci :

 

 

 

C’est hélas une évidence : maintenant, on fait faire à ces stagiaires du « tout à l’envers », le contraire d’avant : comment en effet, peut-on imaginer que ces positions pieds en avant, donc épaules en arrière obligeant les bras et les mains à devenir inutilisables mettent un gardien de but dans les meilleures conditions pour prendre le dessus sur l’attaquant adverse. En effet, ce dernier a une première solution très facile : glisser le ballon entre les jambes écartées du gardien (photo 2) ou bien exécuter une pichenette ou un « piqué » qui passera à gauche ou à droite du keeper et à tout coup il y aura but. Le pauvre gardien n’a qu’une possibilité de s’en sortir : c’est de «  prier la madone » pour que le ballon parvienne tout à fait par hasard à frôler n’importe quelle partie de son corps, déviant ainsi la trajectoire. Et là, le commentateur s’enthousiasmera en vociférant qu’il vient d’assister à un arrêt de très grande classe alors que ce n’est qu’un « coup de pot » !!! Ces 2 clichés qu’on retrouve sur ce site et que Thierry Bonnot a intitulé « La relève » devrait amener les formateurs à se poser les bonnes questions.

 

Par contre, cette nouvelle technique a un gros avantage : en adoptant ce style de jeu, le gardien n’a plus le moindre risque de se blesser sérieusement dans l’affrontement puisqu’en réalité, il n’a pas eu lieu. Attention, ce n’est en aucun cas une critique. C’est une simple constatation et c’est tant mieux si les gardiens de maintenant n’accumulent plus les pépins comme leurs illustres « anciens ».

 

Il me reste à parler d’un dernier bouleversement dans le rôle du gardien en 2013 et là, c’est du essentiellement aux systèmes de jeu mis en place durant ces dernières décennies. Combien de fois entendons-nous d’un commentateur : « Et voilà, untel (le gardien d’une des 2 équipes) vient de toucher son premier ballon à la 28ème minute du match… » . Et oui, pour la plupart de nos derniers remparts, le poste qu’ils occupent prend de moins en moins d’importance dans le développement des actions, n’ayant à intervenir qu’un nombre de fois très restreint. Peu à peu, le gardien de but a perdu de son prestige d’antan, de sa réputation « d’homme spectacle » de celui pour lequel on se déplaçait spécialement pour admirer ses interventions spectaculaires qui émaillaient quasiment chaque minute de la partie. Il m’arrive aujourd’hui deme demander lors de certains matches soporifiques, à quoi servent encore les buts et même les surfaces de réparation quand on se rend compte que sur 90 minutes, le jeu s’est cantonné entre les 20 acteurs (les gardiens s’en trouvant exclus) pendant plus des 4/5ème du temps à jouer entre eux à la baballe, à la « passe à 10 » tantôt d’avant en arrière, tantôt de gauche à droite ou inversement, mais beaucoup trop rarement vers l’avant dans le camp adverse !

 

Mais attention, je reste quand même réaliste : pour y avoir consacré une bonne partie de ma jeunesse et avoir fait partie de la congrégation, l’octogénaire que je suis maintenant gardera toujours un immense respect envers les gardiens de but, de quelque époque qu’ils soient, j’apprécierai toujours une belle parade, une superbe envolée, et ça existe encore aujourd’hui, certainement beaucoup moins souvent que dans le temps. Mais c’est normal, les tactiques adoptées par les entraîneurs, le renforcement des défenses au détriment des attaques, la préparation physique des joueurs qui bénéficient de toutes les avancées techniques provoquent, quoiqu’on en dise une intensité bien supérieure, même si de telles dispositions rendent les gardiens beaucoup moins actifs, souvent cloués sur leur ligne de but lors d’un corner ou d’un coup de pied arrêté, même s’il m’arrive de leur reprocher de trop anticiper les tirs et de se retrouver ainsi sur le derrière victime du parfait « contre-pied ».

Mais bon, je ne peux en terminer sans rendre un dernier hommage à deux des plus grands qui ont marqué mes débuts. Le premier, c’est Julien Darui, sélectionné en équipe continentale pour affronter l’Angleterre dans l’antre de Wembley en plus de ses 25 sélections en Equipe de France et dont je me rappellerai toute ma vie (plutôt ce qu’il en reste…) le compliment qu’il m’a fait à l’issue d’un 1/8ème de finale de Coupe de France jouée contre Valenciennes et auquel il avait assisté alors qu’il dirigeait l’équipe de Roubaix en 1ère division : « Et bien tu sais Gamin (j’avais 18 ans alors), je crois bien que je n’aurais pas fait mieux que toi !! » 61 ans plus tard, j’entends encore sa voix……..

Le second, c’est le héros de ce site que Thierry Bonnot a eu l’excellente idée de mettre en ligne : René Vignal, « The Fling French » comme l’avaient si justement baptisé les Britanniques après un match extrordinaire à Glasgow contre les Ecossais. Pour rien au monde, je ne voudrais terminer ce recueil de réflexions sans lui rendre ce nouvel hommage.

 

 

 

 

                                                                               

 

 

                                                                             Jean-Pierre BOURGEOIS